Influencer les émotions d’autrui, c’est toucher à ce qu’il y a de plus humain.
Depuis l’enfance, nous influençons les états internes de ceux qui nous entourent. Un regard qui rassure, une phrase qui pique, un silence qui glace : nous avons tous déjà modifié l’état émotionnel de l’autre, parfois sans le vouloir, parfois délibérément. Mais que se passerait-il si nous apprenions à le faire consciemment, avec clarté, éthique et profondeur ?
Il existe une compétence rare mais essentielle : la capacité d’agir sur le climat émotionnel d’une relation sans jamais forcer, manipuler ou dominer.
À la lumière des neurosciences, de la philosophie morale et de la psychologie interpersonnelle, voici cinq clés, basées sur les travaux d’Alena Aleschina, Sergey Shabanov, et d’autres chercheurs en neurosciences et philosophie, pour transformer toute interaction en un espace de confiance, de co-régulation et d’alignement mutuel.
🔍 Trois points-clés à retenir :
- L’influence commence par l’écoute.
On ne peut pas guider l’émotion d’un autre sans savoir d’abord où il est. Reconnaître ses signaux internes demande attention, culture émotionnelle et humilité. - Votre état émotionnel est votre premier outil.
Ce que vous ressentez se transmet. Si vous incarnez la paix, la clarté ou l’ouverture, l’autre s’y synchronise — grâce aux neurones miroirs et au système nerveux social. - L’intention éthique rend tout plus puissant.
Dès lors que vous cherchez un bénéfice mutuel, que vous êtes transparent sur votre objectif et que vous respectez la liberté de l’autre, l’influence devient relationnelle et transformatrice.
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Première clé: Commencer par ressentir l’autre avec justesse
Problématique : Il est impossible de guider quelqu’un vers un état émotionnel plus sécurisant si l’on ne sait pas où il se trouve émotionnellement au départ.
Base scientifique : Cette compétence repose sur l’observation fine et la reconnaissance des expressions faciales, du langage corporel et de la prosodie. Les recherches de Paul Ekman sur les micro-expressions, complétées par les observations de Janusz Reilowski sur les différences culturelles et individuelles dans l’expression des émotions, nous rappellent que lire l’émotion de l’autre n’est pas universel, mais adaptatif.
Protocole d’action :
- Observez le visage, les gestes, la posture de votre interlocuteur.
- Écoutez attentivement le ton de la voix, les pauses, les soupirs.
- Identifiez des micro-indices : une tension de la mâchoire, des épaules levées, une poignée de main molle ou froide.
- Posez une question ouverte, par exemple : “Comment tu vis cette situation aujourd’hui ?”
- Reformulez avec bienveillance ce que vous percevez : “Je sens que c’est pesant pour toi, je me trompe ?”
Application : Stéphane, manager dans une PME, a commencé à ouvrir ses réunions par des observations comme : “Je vous sens un peu dispersés aujourd’hui, qu’est-ce qui se passe ?” Résultat : la cohésion et la franchise dans son équipe se sont nettement améliorées.
Deuxième clé: Clarifier une intention qui unit, pas qui force
Problème : Sans intention claire et partagée, toute tentative d’influence peut paraître manipulatrice ou inefficace.
Base philosophique : L’éthique de Kant ou de Levinas nous rappelle que l’autre n’est jamais un moyen, mais une fin. L’influence émotionnelle éthique repose sur une intention claire de coopération, comme le souligne Aleschina : l’objectif doit être bénéfique pour les deux parties.
Protocole d’action :
- Posez-vous la question : “Que voulons-nous vivre ou réaliser ensemble ?”
- Cherchez à identifier les besoins profonds de l’autre : reconnaissance, clarté, sécurité ?
- Imaginez l’état émotionnel idéal pour chacun : confiance, légèreté, sérénité…
- Expliquez votre démarche : “Si j’aborde ce sujet, c’est parce que je tiens à notre relation.”
- Concluez avec une intention d’union : “J’aimerais que cette conversation nous rapproche.”
Application : Dans un entretien d’évaluation, débuter par une clarification partagée de l’objectif rend les remarques plus faciles à entendre. La recherche montre que 80% des tensions sont désamorcées par la clarté de l’intention (Stone et al.).
Troisième clé : Incarner l’émotion que vous voulez transmettre
Problématique : Vous ne pouvez pas transmettre la sérénité si vous êtes vous-même en tension. L’état émotionnel est contagieux.
Base neuroscientifique : Le phénomène de contagion émotionnelle repose sur les neurones miroirs (Rizzolatti, 1996) et la co-régulation affective. Rimé a montré que les émotions partagées s’amplifient ou se régulent en fonction de l’état de l’autre.
Protocole d’action :
- Prenez quelques minutes pour respirer calmement (4 secondes inspiration, 6 secondes expiration).
- Invoquez un souvenir calme et sécurisant (moment de paix, réussite simple).
- Détendez votre corps. Adoptez une posture stable, ouverte, ancrée.
- Créez une connexion par le regard, sans insister.
- Si besoin, verbalisez : “Je suis ici avec bienveillance.”
Application : Dans un conflit conjugal, Stéphane a adopté cette posture avant de parler. Son calme a permis d’apaiser la conversation et d’éviter l’escalade.
Quatrième clé : Influencer en douceur le climat émotionnel
Problème : Les mots seuls ne suffisent pas. L’émotion se change par des signaux incarnés.
Base scientifique : Les approches sensorimotrices (Ogden), la théorie polyvagale (Porges), et les recherches de Mehrabian sur la communication non verbale montrent que le corps est le canal principal du changement émotionnel.
Protocole d’action :
- Initiez un geste de contact sécurisant si approprié (sourire, buste incliné, respiration commune).
- Verbalisez l’émotion observée : “Tu sembles inquiet.”
- Proposez une régulation : “Et si on faisait une pause ensemble ?”
- Offrez un modèle émotionnel (votre propre calme, ou un ton apaisé).
- Nommer l’ancrage nouveau : “Je sens qu’on peut retrouver notre clarté.”
Application : Lors d’une difficulté avec un client, Stéphane a utilisé ces étapes et a observé une baisse visible du stress de son interlocuteur (respiration, langage, ton).
Cinquième clé : Encadrer son influence par l’éthique relationnelle
Problématique : Comment influencer sans manipuler ?
Base philosophique et clinique : Le modèle éthique d’Aleschina définit trois piliers clairs qui distinguent l’influence positive de la manipulation : bénéfice mutuel, durabilité de l’effet, et clarté de l’intention.
Protocole d’action :
- Clarifiez votre intention : “Je veux qu’on se comprenne et qu’on se sente mieux.”
- Invitez l’autre à vérifier ce qu’il ressent : “Comment tu reçois ce que je dis ?”
- Régulièrement, demandez : “Est-ce que c’est ok pour toi ?”
Application : Dans une relation de mentorat, Stéphane a commencé à poser plus de questions que de conseils. Le lien est devenu plus égalitaire, plus riche.
Journalisation :
Aujourd’hui, choisis une relation où tu veux améliorer le climat émotionnel.
- Qu’est-ce que cette personne ressent souvent ?
- Qu’est-ce que tu veux partager comme émotion avec elle ?
- Quelle serait une action concrète que tu peux poser pour créer ce changement ?
Mini-méditation guidée : « Je deviens un espace de sécurité »
Durée : 5 minutes
- Assieds-toi confortablement et ferme les yeux.
- Visualise une personne face à toi, tendue.
- Inspire : « Je suis calme. »
- Expire : « Je dégage la confiance. »
- Reste dans cette posture quelques minutes.
- Observe ton propre état. Ressens-tu une stabilité ?
🧭 Le message à retenir :
L’intelligence émotionnelle relationnelle, c’est devenir un espace de sécurité pour l’autre — sans jamais perdre le respect de sa liberté.
Nous espérons que vous avez apprécié la lecture de cet article. N’oubliez pas de télécharger gratuitement nos trois exercices pour des relations positives.
Références scientifiques :
- Aleschina & Shabanov, 2021 : Intelligence émotionnelle et influence interpersonnelle
- Reilowski, 2012 : Expressivité et décodage émotionnel
- Paul Gilbert (2005), Compassion Focused Therapy
- Daniel Goleman (1995), Emotional Intelligence
- Hatfield, Cacioppo & Rapson (1994), Emotional Contagion
- Porges (2003), Polyvagal Theory
- Ekman (1972), Facial Action Coding System
- Mehrabian (1967), Silent Messages
- Allen, G. (2015). A simple exercise to strengthen emotional intelligence in teams. Mind Shift. Retrieved from https://ww2.kqed.org/mindshift/2015/06/22/a-simple-exercise-to-strengthen-emotional-intelligence-in-teams/
- Linehan, M. M. (2015). DBT skills training manual (2nd ed.). New York, NY: Guilford Press.
- Stepp, S. D., Epler, A. J., Jahng, S., & Trull, T. J. (2008). The effect of dialectical behavior therapy skills use on borderline personality disorder features. Journal of Personality Disorders, 22(6), 549-563. https://doi.org/10.1521/pedi.2008.22.6.549
- Vivyan, C. (2015). Interpersonal effectiveness: Getting on with others using DBT. Get Self Help UK. Retrieved from https://www.getselfhelp.co.uk/interpersonal.htm
Pour aller plus loin :
Podcast : https://open.spotify.com/show/3l28DF2ksJ0by2LMnqJTIZ
Audio guidé : https://monautocoaching.com