Ce que l’attachement aux objets révèle d’un passé de pertes invisibles
Il faudrait commencer par une précision essentielle :
Ce que certains appellent “accumulation”, d’autres l’appellent “collection”.
Ou bien :
— “Je ne jette pas n’importe quoi.”
— “Je suis reconnaissant·e pour ce que j’ai.”
— “C’est sentimental.”
Et parfois, ces explications sont vraies.
Mais vient un moment où la proportion disparaît :
Où des piles de journaux bloquent les couloirs.
Où les placards ne ferment plus.
Où la cuisine est saturée de boîtes vides et de souvenirs figés.
Alors, il ne s’agit plus d’objets : il s’agit de mémoire, de douleur, d’attachement.
🗑️ Jeter est un acte psychologique complexe
On ne mesure pas assez la santé mentale qu’il faut pour jeter.
Décider que l’on peut se passer de la boîte du sèche-cheveux.
Accepter que le pull troué ne servira plus.
Se dire que l’on peut laisser partir ces magazines jaunis de l’année dernière.
Jeter, c’est croire en l’avenir.
C’est faire le pari que ce qui viendra nous comblera autant, sinon plus, que ce qui fut.
C’est faire confiance à notre capacité à faire le tri, à choisir, à vivre sans tout retenir.
🧠 Chez l’accumulateur, une incertitude identitaire profonde
L’accumulateur ne garde pas “parce que ça peut toujours servir”, comme il le dit parfois.
Il garde parce qu’il ne sait plus ce qui compte vraiment.
Parce qu’il a grandi sans repères fiables, avec des parents souvent :
- colériques,
- imprévisibles,
- cassants,
- ou incohérents.
On lui a appris que faire un choix, c’est risquer l’abandon, la colère ou le ridicule.
Qu’il valait mieux tout garder que de se tromper.
Qu’il valait mieux ne jamais décider… que de risquer de déplaire.
😔 Garder pour ne plus jamais perdre
Derrière l’accumulation, il y a la peur panique du vide.
Une peur ancrée dans une perte ancienne, réelle ou symbolique :
- Un parent qui a disparu trop tôt.
- Un amour qui s’est détourné sans raison.
- Un sentiment de sécurité brusquement arraché.
- Une affection qui s’est évaporée à la naissance d’un frère ou d’une sœur.
- Une parole jamais revenue.
- Un deuil dont personne n’a voulu parler.
Alors on garde tout :
Des boîtes vides, des vieilles chaussettes, des chargeurs cassés, des sacs plastiques.
Mais ce qu’on tente désespérément de retenir, ce ne sont pas des objets :
Ce sont des moments. De la tendresse. Une chaleur. Une présence.
💬 Une meilleure question que “Pourquoi tu ne jettes pas ?”
Plutôt que de dire “range”, “vide”, “fais le tri”,
on pourrait doucement demander :
“Qu’as-tu perdu, un jour, que tu n’as jamais pu vraiment pleurer ?”
Bien souvent, la personne elle-même ne le sait pas.
Mais si, grâce à une thérapie ou une introspection, elle arrive à reconnecter avec l’émotion d’origine,
le besoin de tout retenir peut doucement s’apaiser.
🧩 Le vrai travail n’est pas de jeter
Le chemin ne passe pas par un tri brutal.
Il passe par une réparation invisible :
celle de la confiance en soi, en la vie, en la capacité de se reconstruire après avoir perdu.
Ce que l’accumulateur tente de préserver,
ce n’est pas un vieux grille-pain ou une pile usagée.
C’est un sentiment de valeur, une sécurité émotionnelle, un refuge intérieur.
✨ En résumé :
- L’accumulation n’est pas un caprice, c’est un cri silencieux de protection.
- Jeter devient impossible quand on a trop perdu trop tôt.
- Le remède n’est pas dans un sac poubelle, mais dans une reconnexion à ce qui a été arraché.
- Et le grand soulagement vient quand on comprend :
“Je peux laisser partir ces objets…
Parce que je sais enfin que je ne suis plus seul·e face au manque.”
💬 Une Phrase à retenir:
« Ce que je garde, ce ne sont pas des objets : ce sont des fragments de moi que je n’ai jamais osé pleurer. »