Une réflexion sur l’obsession de la propreté et ses racines émotionnelles invisibles
Il est tentant de se moquer gentiment des germaphobes.
Regardez-les nettoyer la poignée du four avec de l’eau de javel pour la septième fois.
Tenter d’ouvrir la porte des toilettes avec le pied et une écharpe.
Enfiler précipitamment des chaussures pour traverser le sol d’une chambre d’hôtel.
Ou glisser leur passeport dans un sac plastique pour le « décontaminer » après que l’agent de douane l’a effleuré.
Ce qu’il y a de risible, pensons-nous, c’est que cela ne peut pas vraiment être à cause des microbes.
Les poignées de porte ne tuent pas.
Les poignées de main non plus.
Alors qu’est-ce qui se cache là-dessous ?
Et si, derrière la peur du sale, il y avait quelque chose de plus profond, de plus ancien, de plus invisible ?
Quelque chose qu’on tente de laver, encore et encore — mais qui n’a rien à voir avec la saleté.
🧠 Ce que la germaphobie essaie (inconsciemment) de contrôler
Derrière le mot « microbe », derrière les lingettes et les précautions extrêmes, se glissent souvent trois peurs fondamentales :
- La peur de ses propres parts « inacceptables »
- La peur d’être envahi·e, violé·e dans ses limites
- La peur de l’imprévisible, du chaos, de la perte
🧒 Une enfance où il ne fallait pas salir
Chez beaucoup de germaphobes, on trouve un passé rigide, un environnement familial où il fallait être impeccable pour être aimé.
On leur a appris — parfois sans mots — que :
- se salir, c’est être dégoûtant,
- exprimer ses pulsions, c’est être honteux,
- et qu’il fallait toujours se « tenir ».
Leur corps, leur spontanéité, leur désordre naturel d’enfant ont été censurés.
Un regard qui se crispe quand l’enfant rentre sale du jardin.
Une anxiété autour des toilettes.
Une mère qui détourne la tête d’un câlin un peu « collant ».
Et l’enfant en tire la conclusion suivante :
« Il y a quelque chose de mauvais en moi. Je dois l’effacer. »
🛑 La propreté comme armure
À l’âge adulte, ces personnes développent une obsession de la pureté.
Mais ce n’est pas le virus qu’elles veulent éviter.
C’est le rejet intérieur qu’elles ont connu.
C’est la sensation de ne pas être aimables telles qu’elles sont.
Elles nettoient pour mériter d’être tolérées.
Elles désinfectent pour se convaincre qu’elles sont bonnes.
🔓 Une peur du viol symbolique
La germaphobie est aussi une réaction à des invasions psychiques ou physiques.
Une frontière intime non respectée.
Un « non » ignoré.
Une intrusion dans leur corps, dans leur espace, dans leur intégrité.
Et aujourd’hui, elles réagissent à la moindre « intrusion » extérieure — comme si le monde entier était une menace.
Chaque microbe devient le symbole d’un danger ancien.
🌪️ L’ordre comme fragile digue contre le chaos
Enfin, derrière le besoin d’hygiène extrême, il y a une terreur sourde de la désorganisation.
Une tache, une miette, une poussière… et c’est tout un monde qui s’écroule.
Pour ces personnes, la saleté n’est pas seulement physique.
Elle est synonyme de deuil, de perte, de mort, de désordre irréversible.
Nettoyer, c’est tenter de contrôler un monde intérieur où rien ne tient.
C’est tenter de garder un semblant de clarté dans un univers psychique submergé par le chaos.
🤲 Une douleur méconnue
La prochaine fois qu’on s’étonne ou qu’on se moque d’un comportement obsessionnel autour de l’hygiène, on pourrait se souvenir :
Les germaphobes ne fuient pas vraiment la saleté.
Ils fuient un manque d’amour. Une absence de sécurité.
Ceux d’entre nous qui supportent sans panique la poussière, les draps froissés ou les verres sales sur l’évier,
le doivent à une chose très précieuse :
quelqu’un, autrefois, a accepté que nous soyons imparfaits.
Quelqu’un n’a pas été dégoûté par notre fragilité.
Et c’est cette tendresse originelle qui nous permet aujourd’hui de tolérer le réel, avec ses imperfections.
Les germaphobes ne cherchent pas la propreté.
Ils cherchent une paix intérieure qu’on leur a refusée.
Et tant que cette blessure ne sera pas vue, entendue, contenue,
ils continueront de frotter le monde… pour apaiser une douleur qu’aucun produit ne peut désinfecter.
💬 Une Phrase à retenir:
Ce n’est pas la saleté qu’ils veulent fuir. C’est le rejet qu’ils portent encore en eux.