On pourrait croire que chacun d’entre nous aspire à l’amour, et que la réaction naturelle face à une déclaration sincère d’amour serait la gratitude. Mais la réalité des relations humaines est bien plus complexe. Pour certains, l’amour est aussi terrifiant à vivre qu’il est désirable en théorie. Et face à l’amour vécu, la réponse principale n’est pas l’accueil ou la douceur, mais parfois… la cruauté.
Certaines personnes, ayant été traitées durement dans leur enfance, réagiront à un amour profond en infligeant à leur partenaire ce qu’on leur a fait subir. Elles vont reproduire, souvent sans s’en rendre compte, la froideur, la distance, le mépris ou la brutalité de leurs premiers liens affectifs. Ce qu’elles font vivre à l’autre est un écho douloureux de ce qu’elles ont elles-mêmes reçu. Le partenaire devient le support d’une mémoire inconsciente, une page sur laquelle se rejoue une histoire ancienne.
Au début de la relation, tout semble lumineux. Ces personnes savent être tendres, attentionnées, captivantes. Elles vous désarmonent, font tomber vos barrières, réveillent vos besoins d’enfant. Et puis soudain, presque sans prévenir, quelque chose se referme. Elles arrivent en retard, ne répondent plus à vos messages, ne s’intéressent plus à votre monde. Elles passent plus de temps ailleurs. Le travail devient un refuge. Pire : elles flirtent avec d’autres, puis vous accusent d’être “trop” : trop exigeant, trop collant, trop fragile.
Si vous vous plaignez, elles deviennent dures. Vous traitent d’instable. Dédaignent vos questions. Elles vous demandent d’être solide alors qu’elles viennent d’abattre les murs de votre confiance.
Que se passe-t-il ?
Ces partenaires portent en eux des soupçons profonds et anciens sur l’amour. Avant l’âge de 10 ans, ils ont appris que la vulnérabilité était honteuse. Que demander de l’affection était répugnant. Que les gens vous abandonnent (souvent pour un frère ou une sœur plus brillant). Qu’ils n’ont pas de valeur en eux-mêmes.
Alors, quand vous leur montrez une authentique tendresse, vous réveillez chez eux ce qu’ils ont dû enterrer pour survivre. Vous devenez le reflet vivant de leur ancienne fragilité. Vous incarner ce qu’ils ont été forcés de détruire en eux pour grandir : le besoin, la dépendance, l’innocence. Et leur défense inconsciente consiste à vous punir. Comme on les a punis d’avoir aimé, d’avoir attendu, d’avoir espéré.
Si vous faites la liste de ce qu’ils vous font ressentir, vous retrouverez souvent les émotions que leurs propres parents ont dû leur faire ressentir. Ce ne sont pas des monstres. Ils sont simplement en train de rejouer, à leur insu, une tragédie non digérée.
Mais vous, pendant ce temps, vous devenez victime. Vous doutez de votre valeur. Vous croyez mériter ce traitement. Vous vous accrochez, espérant que leur cœur doux du début va revenir. Comme eux, enfants, ont cru que s’ils étaient très sages, très patients, ils seraient enfin aimés.
Parfois, il n’y a rien à expliquer. Rien à sauver. Il faut partir. Non pas par cruauté, mais par clarté. Parce que l’amour ne doit jamais faire mal. Parce que l’amour, le vrai, est un lieu où la faiblesse est accueillie. Où la peur est rassurée. Où le besoin d’aimer n’est jamais une faute.
Alors souvenez-vous, si vous vivez ce genre d’histoire : ce n’est pas vous qui êtes trop. Ce n’est pas vous qui êtes fragile. Vous avez juste eu le courage d’aimer quelqu’un qui, hélas, ne sait pas encore comment recevoir cet amour.
Et cela, c’est leur chemin. Pas le vôtre.
Le vôtre est de réapprendre que l’amour, le vrai, est infiniment doux. Qu’il soigne. Qu’il écoute. Et qu’il ne punit jamais.